L'Association des Réfractaires et Maquisards de France a décerné à Mme Léo Demas, demeurant à Cliousclat, la médaille de la Reconnaissance pour avoir risqué, avec ceux de sa famille aujourd'hui disparus (notamment Léo Demas et son père, Paul Demas, tous les deux anciens maires de Cliousclat), les sanctions les plus graves : amendes, emprisonnement, peine de mort pour avoir aidé, ravitaillé, hébergé, des réfractaires au S.T.O. ou personnes recherchées. Cette médaille lui a été remise dernièrement en présence de ses enfants et petits-enfants par son frère, le Dr Henri Vinard (ancien vice-président de la section Drôme-Ardèche de 1'A.R.M.F). |
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En présence de ton frère Jacques, membre du bureau de la section Drôme Ardêche de l’Association des Réfractaires et Maquisards de France et de ton frère Henri, vice-président, j'ai le très grand plaisir et la responsabilité de te remettre officiellement, de la part de cette Association, le diplôme et la médaille de la reconnaissance.
Avant de te remettre cette médaille, je lis ce qui est écrit sur le diplôme qui l'accompagne :
"L'association des Réfractaires et Maquisards de France, sur proposition de Monsieur VINARD Henri, décerne la Médaille de la reconnaissance à Madame Léo DEMAS qui a risqué les sanctions les plus graves: Amendes, Emprisonnement, Peine de mort, pour avoir aidé, ravitaillé, hébergé, des Réfractaires au STO ou personnes recherchées.
- Ordonnance allemande du 18 octobre 1942 (Lois sur le STO des 16 février 43, 1er février 44) et en bas du diplôme, cette mention:"... Grâce à vous, ils sont encore parmi nous..."
A ce diplôme et à cette médaille il faut associer la mémoire de ceux de la famille DEMAS qui ne sont plus parmi nous et notamment celle de Léo et de son père Paul DEMAS, tous les deux anciens maires de CLIOUSCLAT. Avec eux, tu as pris de très grands risques en protégeant les hors la loi et en acceptant de subir leur sort s'ils étaient découverts.
C'est ce que révèle ce témoignage, paru dans la presse et que je lis pour ceux d'entre nous qui ne le connaissent pas :
Je voudrais à mon tour apporter mon témoignage du rôle des protestants sous l'occupation. Deux familles d'agriculteurs protestants de la Drôme m'ont hébergé en toute connaissance de cause ainsi que mon frère et ma soeur, la famille Goy à Chabrillan par Crest, et plus tard les Demas à Cliousclat par Loriol ; or Cliousclat est à moins de 2 km de la nationale 7 qui était sillonnée constamment à l'époque par les convois allemands. Nous avons d'ailleurs bénéficié de la complicité de la population, car nous n'avons jamais été dénoncés bien que connus comme "les juifs de chez Demas". Monsieur Demas, maire de la commune, fournissait des listes de recensement truquées, multipliant par deux le nombre d'habitants, ce qui lui permettait de procurer à la Cimade (organisme bien connu dans les camps) des tickets de ravitaillement.
Robert BLITZ, Maisons-Laffitte
Nous avons pensé qu'il était préférable que cette médaille te soit remise dans l'intimité familiale, en présence de tes enfants et petits-enfants, dans le lieu même qui a abrité, il y a déjà 45 ans, les hors la loi du régime nazi, plutôt qu'elle soit remise au cours d'une cérémonie officielle de l'Association des Réfractaires et Maquisards de France.
Nous n'avons pas oublié, en effet, que si cette maison était devenue le refuge des hors la loi, elle était devenue, au mois d'août 1944, le refuge des combattants allemands qui se regroupaient dans la ferme transformée en camp retranché. Les représailles sur la famille DEMAS, qui abritait encore à ce moment là deux hors la loi, auraient pu être terribles et tragiques. La destinée ne l'a pas voulu.
Après onze jours (sous un déluge de feu et d'acier) il ne restait dans la ferme que des blessés, des mourants et, dans les champs, de nombreux cadavres d'hommes qui ne demandaient qu'à vivre heureux, victimes de la barbarie nazie.
Tous les deux, dans cette salle à manger où nous nous trouvons actuellement et que nous avions transformée en infirmerie, nous avons fait de notre mieux pour soigner les blessés allemands, et atténuer par notre sollicitude, le désespoir et l'angoisse des mourants. Nous avons compris que la guerre était la pire des calamités qui puisse frapper l'humanité et que nous devions sans cesse oeuvrer pour éviter cette effroyable malédiction.
Il est bien tard pour te remettre solennellement une médaille, après tant d'années, mais il n'est jamais trop tard pour rappeler aux générations futures que c'est grâce au courage de ceux qui savent prendre des risques qu'on peut éviter l'inacceptable.
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