Aujourd’hui
est un jour important, on va faire une
manifestation, enfin presque. Les parents disent une
“mobilisation”, une “marche musicale”, mais
pour nous, c’est une “manif”. Depuis plusieurs jours,
avec les copains, on ne parle plus que de ça à la
récré. On va emmener nos instruments, alors là,
attention, pas les vrais, ils sont trop précieux mais
les
castagnettes, les tambourins et les pipeaux. Moi,
j’aurais des
maracas et Olivier, mon petit frère, mon tambour que
je veux
bien lui céder en ce jour solennel. En quittant
l’école à 11h30, on s’est tous donné
rendez-vous à la manif d’un air grave.
Et quand je suis arrivé à
l’heure prévue, avec les deux pancartes
confectionnées le matin même par nos mamans, Martin
était déjà là en train de distribuer des
bouteilles en plastiques remplies de riz. Petit à
petit, les
copains sont arrivés, des enfants d’autres classes,
d’autres écoles qu’on n’avait jamais vus, des
parents, il y avait un monde fou, des instituteurs,
notre
maîtresse, le mari de Madame Garban (c’est ma maman
qui me
l’a dit après), et on discutait tous à la fois. Il
y avait une ambiance terrible, les enfants jouaient de
leur instrument,
des journalistes interrogeaient les parents, prenaient
des photos. Avec
les copains, on s’est mis à chanter les chants de
Madame
Garban. Ensuite, il a fallu faire taire tout le monde
car un monsieur
barbu a pris la parole pour faire un discours plutôt
obscur, puis
on est tous allés à la mairie. J’étais
chargé de porter une grande pancarte avec Ismaël mais
au
bout de deux minutes il a eu une envie pressante et il
m’a
laissé en plan. La pancarte était lourde, ma maman
m’a aidé puis une autre maman m’a remplacé et
j’ai couru rejoindre mes copains à l’avant,
j’ai récupéré mes maracas. On faisait un
vacarme d’enfer, c’était super ! Tous les passants
nous regardaient, il y avait même des policiers à
vélo qui surveillaient. Devant la mairie on a fait une
pause
photo. On tambourinait de plus belle sur nos
instruments en criant
“On veut d’la musique”. On s’amusait comme des
fous. Finalement, on est tous rentrés dans la mairie,
les
enfants d’abord. On s’est mis à chanter à
nouveau les chants que l’on connaissait à plusieurs
voix :
“Je chante”, “Y’a d’la joie”,
“Ils sont venus “... Madame Garban aurait été
contente de nous entendre. Il paraît qu’une dame de
l’accueil pleurait d’émotion.
Pendant qu’on continuait à chanter,
trois parents et une maîtresse sont montés donner les
pétitions. Quand on a eu fini notre répertoire, on
s’est remis à taper sur nos instruments.
C’était formidable ! Et puis, au bout d’un long
moment, alors qu’on commençait à fatiguer et que
beaucoup de parents étaient partis avec leurs enfants,
ma maman
et la maîtresse sont réapparues. Tout le monde a dit :
“ Ah! les voilà”. Elles avaient plutôt
l’air content. On a vaguement entendu ce qu’elles
disaient.
Apparemment, c’était plutôt bien, mais ce sont des
histoires de grands. Nous, tout ce que l’on demande,
c’est
de continuer à faire de la musique à l’école.
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